Arts Florissants Mars 2021 JulienGazeau 4806

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Alexis Perrocheau, l'architecte paysagiste à l'âme de jardinier

16 août 2022

Les Jardins de William Christie, il les connait - si bien, qu'il ne les a jamais vraiment quittés. Jeune architecte paysagiste, Alexis Perrocheau nous raconte son parcours avec Les Arts Florissants, depuis son apprentissage comme jardinier dans les Jardins de William Christie et sa rencontre avec le maître des lieux, jusqu'à ses créations paysagères au Quartier des Artistes. Un environnement riche de beauté, mais qui fait face aux enjeux environnementaux de demain...

  • Comment as-tu découvert la Fondation Les Arts Florissants – William Christie et les Jardins de William Christie ?

Alexis Perrocheau : Cela s’est fait un peu par hasard, car depuis mes 14 ans j’ai toujours évolué dans le milieu du jardin et des paysages. C’est lors de mon BTS en Loire-Atlantique, que j’ai eu l’opportunité de réaliser un stage qui était proposé dans les Jardins de William Christie. Ça a été une belle découverte qui a duré environ un an et depuis, je reviens pratiquement tous les étés.

Au début, il s’agissait vraiment pour moi d’aider au jardin. Puis suite à des rencontres, à des expériences et à mes études d’architecte paysagiste, on a commencé à me demander mon avis sur certains sujets, à me proposer de faire les visites du jardin pour expliquer ma vision et ma relation avec l’histoire des paysages… Il y a eu un véritable accompagnement de mon évolution professionnelle : je suis passé du statut de jardinier – un métier que je respecte énormément – à celui d’architecte paysagiste, qui m’amène à conceptualiser des paysages. Même si je reste jardinier dans l’âme…

En définitive, mon parcours au sein de la Fondation est assez révélateur, car je n’aurais peut-être pas pu accéder à cette évolution sans cette aide et sans celle de William Christie.

 

  • Qu’est-ce que cette expérience a changé dans ta manière d’appréhender ton métier et ta vision des jardins ?

A. P. : D’abord, dans le rapport à la recherche de qualité. Lors de mes nombreux stages dans des entreprises de paysages, l’accent n’était pas du tout mis de la même manière sur l’esthétique des jardins et des paysages. Alors que dans les Jardins de la William, la qualité vient vraiment avant tout, car c’est un jardin remarquable, qui a une histoire et qui prend ses racines dans une tradition de travail des jardins que l’on a pas mal perdue. Quand on se balade dans différentes parties du jardin, on note vraiment la dimension culturelle : William veut transmettre une idée de la richesse que peut donner un jardin. Et je trouve cela très beau.

 

  • Tu as imaginé des projets spécifiquement pour la Fondation, comme par exemple « l’Allée d’honneur » ou le jardin de la Maison In Terra Pax ; comment les as-tu conçus ? et en quoi les as-tu nourris de ton expérience avec la Fondation et de ta rencontre William Christie ?

A. P. : Il s’agissait d’une demande émanant de William, je n’étais donc pas face à une page blanche : l’idée était de conceptualiser et de dessiner sa vision. Par exemple, il avait en tête une longue allée qui accompagne l’entrée jusqu’à un parking plus loin. Mon travail a donc consisté à évaluer au niveau spatial ce qui était envisageable ou pas, en s’appuyant sur des critères techniques, des dessins et des échanges réguliers avec William et les techniciens. C’est d’ailleurs tout particulièrement sur le plan de la qualité technique que je suis reconnaissant de travailler pour la Fondation. Elle fait appel à des personnes très expérimentées et très professionnelles, qui font un travail de qualité ; j’ai beaucoup appris en discutant avec eux. En réalité, le processus de travail pourrait se résumer comme cela : il s’agit d’un projet collectif émanant d’une volonté, celle de William, à laquelle je viens donner une image et un corps.

Là où j’essaye d’apporter ma pierre à l’édifice, c’est dans l’intégration au reste du paysage. Les Jardins de William Christie ont des structures très fortes, c’est quelque chose qui est remarquable et qui a sa propre identité. Un jardin est par essence fermé, c’est un micro-univers et les propositions autour de la Fondation doivent pouvoir s’intégrer à l’identité du village de Thiré.

 

  • En tant qu’architecte paysagiste, quel serait ton rêve de création ?

A. P. : Les projets que j’ai réalisé dans les jardins de William, correspondent toujours à des expérimentations que j’aimerais accomplir et voir aboutir. J’aime travailler vraiment sur toutes les échelles, et cela peut aller des jardins aux territoires. Par exemple avec « l’Allée d’honneur », j’ai vraiment aimé travailler sur la connexion entre les jardins de William et le paysage et en même temps, cette idée que l’on n’a pas besoin d’utiliser beaucoup d’éléments pour donner corps à l’espace. J’aime beaucoup l’idée de sobriété, cette sorte de retenue intentionnelle de vouloir en dire trop.

 

  • Les arbres de cette « Allée d’honneur » font de cet espace un environnement évolutif et qui ne connaît pas sa forme définitive pour le moment. Comment appréhendes-tu ce travail avec les arbres ?

A. P. : Travailler avec les arbres est quelque chose d’extrêmement dur et de fascinant à la fois. Dur, car ce sont des échelles de temps qui nous dépassent, un arbre peut vivre deux, trois, cinq-cents ans. Et j’ai une image très claire de William me disant : « Tu sais Alexis, ces projets sont pour dans cent, deux-cents ans ». J’étais conscient de ça et j’ai donc choisi des espèces d’arbres extrêmement résistantes à la sècheresse, car Thiré et une grande partie de l’ouest de la France vont connaître de plus en plus d’épisodes de sécheresses. Nous essayons aussi de comprendre les dynamiques que l’on retrouve dans les milieux naturels pour les reproduire en les adaptant à nos systèmes artificiels – et je trouve cela fascinant ! Cet aller-retour est vraiment important, notamment dans un contexte de réchauffement climatique.

 

  • Par rapport au changement climatique, comment perçois-tu l’avenir de ton métier ?

A. P. : Le métier d’architecte paysagiste est en fait assez récent. Il y a depuis longtemps des jardiniers qui au cours de l’histoire ont dessiné des jardins comme Le Notre par exemple mais l’idée d’espace publique et de restauration qualitative d’un paysage commence vraiment à émerger au XIXe siècle principalement, à l’aire de l’industrialisation massive. C’est un métier qui a émergé pour contrecarrer les dérives de l’urbanisation et de l’industrialisation. En fin de compte, le « paysage » est un terme qui n’a pas de définition unique et qui continue à évoluer, mais pour moi c’est la forme la plus Humaine de la "Nature". Etant donné que nous sommes de plus en plus nombreux sur terre, je pense que les architectes paysagistes peuvent jouer un rôle dans la manière d’accompagner ces transformations des milieux.

C’est un métier d’avenir : il va falloir créer de plus en plus de milieux de fraicheurs en zones urbaines par exemple, changer nos espaces publiques face au changement rapide du climat, faire des prévisions sur les changements futurs de nos paysages urbains mais aussi ruraux avec d’autres spécialistes comme des climatologues, des sociologues… Pour moi, ce métier est aussi une sorte d’extension de celui de mes parents agriculteurs, qui sont les premiers hommes à avoir façonné et transformé la terre. Et je trouve cela plutôt beau.

 

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