Le CD "Gesualdo: Madrigali, libri primo e secondo" lauréat des Gramophone Awards !

A voir : la cérémonie des Gramophone Awards 2020 (6 octobre 2020)

A (re)lire : la critique de Gramophone

Il y a de cela une trentaine d'années, Iain Fenlon présentait le premier enregistrement de Gesualdo par Les Arts Florissant comme leur "première incursion dans le monde schizophrénique des madrigaux à 5 voix de Gesualdo". Ces mots synthétisent parfaitement la perception courante du chromatisme virtuose de Gesualdo, auquel correspondait si bien l'interprétation détonante des chanteurs alors dirigés par William Christie. Aujourd'hui, c'est avec Paul Agnew à la barre et une nouvelle génération de chanteurs que l'Ensemble revient aux madrigaux de Gesualdo, alors qu'il célèbre son 40ème anniversaire. En partant des premier et deuxième livres, nous découvrons des oeuvres moins connues et moins extraverties, mais retrouvons aussi un Ensemble qui rayonne toujours de la même énergie intellectuelle. 

‘Le simple et curieux délice que ces chanteurs apportent au monde extraordinaire de Gesualdo laisse présager une suite des plus enthousiasmantes’

D'un bout à l'autre de cet enregistrement, les voix a cappella atténuent les excentricités de Gesualdo, plaçant ainsi les actions et les émotions sur un plan plus subtil, moins frénétique que d'autres ne l'ont fait par le passé, tout en maintenant des cadences fluides et détendues. Prenons l'ouverture du premier livre, "Baci soavi, e cari" ("doux et tendres baisers"), où les voix s'empourprent, rougissant de baisers doux et hâtifs. Comme les chanteurs sont ici mobiles et sans entraves ! (...) La nature fugace des passages tourbillonnants chez Gesualdo est une spécialité des Arts Florissants : après l'ouverture calme et glacée de "Gelo ha Madonna il seno" ("ma dame a de la glace dans son coeur"), le passage aux flammes qui dansent dans ses yeux est d'une impressionnante évidence.

Alors que leurs récents enregistrements des madrigaux de Monteverdi résonnent encore à nos oreilles, ce nouveau disque, également tiré d'enregistrements live, propose de nouvelles perspectives sur cette célèbre bifurcation madrigaliste : tandis que le laboratoire expérimental de Monteverdi déviait vers la monodie, celui de Gesualdo l'amena à pousser plus avant vers le maillage polyphonique, en fracturant les textes et les harmonies. Le simple et curieux délice que ces chanteurs apportent au monde extraordinaire de Gesualdo laisse présager une suite des plus enthousiasmantes. 

(Edward Breen, December 2019)

 >> En savoir plus sur l'enregistrement