Platée, opéra ironique

C’est à l’occasion du mariage du Dauphin (fils de Louis XV) avec Marie-Thérèse d’Espagne le 31 mars 1745 que Platée fut créé devant la cour à Versailles. Drôle d’intrigue pour un mariage princier : une nymphe malgracieuse s’éprend de Jupiter, lequel monte un stratagème en lui laissant croire au mariage dont le seul prétexte est de corriger sa véritable épouse Junon de sa jalousie légendaire. Le livret de Valois d’Orville d’après Autreau avait de quoi surprendre la cour – et surtout la jeune épouse, qu’on savait assez peu gâtée par la nature… Faisant fi des conventions, Platée fut cependant redonnée maintes fois à l’Académie royale de musique de 1749 à 1750, puis reprise en 1754 avec éloges et succès toujours plus grands.

Ce ballet bouffon au rythme soutenu, à l’ironie mordante, propice à l’imagination intarissable d’un Rameau au sommet de sa gloire, est une formidable satire du genre de l’opéra. Tous les poncifs y passent, depuis le lamento de la Nymphe jusqu’aux chœurs de louange et d’effroi, en passant par les métamorphoses et le sujet de l’amour même, parodié à l’extrême à travers les caractéristiques grotesques du personnage principal.

Rien d’étonnant qu’une telle œuvre, qui s’affranchit des règles et des modèles connus, ait conquis depuis longtemps le cœur de William Christie, maître incontesté de la rhétorique, fin connaisseur de la prosodie, de l’ornementation et des moyens d’expression de la musique du Grand Siècle. Tout le comique nait de cet espace de liberté qui dévoile l’incroyable modernité d’une écriture que William Christie a eu soin de confier, pour la mise en scène, à un complice de longue date : Robert Carsen. En transposant la parodie au cœur de notre époque, dans l’univers de la mode, Platée prend l’allure d’une farce aussi cruelle qu’inventive.

Fannie Vernaz, chargée des ressources musicales et de la bibliothèque de Arts Florissants

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